Alain Deneault

« Les médiocres ont pris le pouvoir »

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Alain Deneault est docteur en philosophie de l’Université de Paris-VIII.
Il est l’auteur d’ouvrages critiques sur les bouleversements politiques et économiques qu’entraînent les recours aux paradis fiscaux par les grandes entreprises et les détenteurs de fortune, notamment Offshore, Paradis fiscaux et souveraineté criminelle (La Fabrique, Paris).
Il a aussi analysé le rôle du Canada comme paradis règlementaire des sociétés d’exploration dans le domaine extractif, dans Paradis sous terre, Comment le Canada est devenu la plaque tournante de l’industrie minière mondiale (Rue de l’Échiquier, Paris, avec William Sacher) et dans Noir Canada, Pillage, corruption et criminalité en Afrique (Écosociété, Montréal). Il s’est également penché sur la façon dont des Canadiens ont contribué à la transformation de colonies britanniques de la Caraïbe en législations de complaisance, dans Paradis fiscaux : La filière canadienne (Écosociété, Montréal).
Chez Lux Éditeur, Alain Deneault a fait paraître deux essais – « Gouvernance », le management totalitaire et La médiocratie – qui visent notamment à stimuler le débat public quant à l’emprise de théories du management sur les sphères de la vie publique, lesquelles excèdent aujourd’hui largement le seul champ de l’entreprise privée.
 
La médiocrité a essentiellement à voir avec la moyenne. Elle ne désigne donc pas, par conséquent, l’incompétence « crasse » ou le fait des incapables. Elle dénote plutôt l’adaptation systématique de comportements, pensées et pratiques à des standards le plus souvent fixés par différentes institutions de pouvoir. Les techniques de gestion du travail et de l’organisation sociale depuis le XIXe siècle ont largement contribué à paramétrer les processus de travail. Les métiers sont progressivement devenus des fonctions, le savoir-faire une prestation moyenne.
 
Être médiocre consiste à abdiquer du point de vue de ses facultés manuelles, intellectuelles et psychologiques pour les mettre au service de pouvoirs qui en paramétreront le fonctionnement.
 
Ainsi, des auteurs aussi différents que Karl Marx, Max Weber et Michel Foucault ont pu constater, dans les domaines de la production matérielle et intellectuelle, que les pouvoirs établis ne souhaitent en rien composer tant avec des acteurs réputés incompétents qu’avec les super-compétents. On ne voudra pas, d’une part, d’un subordonné incapable de faire fonctionner les appareillages, de manifester quelque intelligence émotionnelle avec autrui, de faire montre d’une incompréhension face aux attentes administratives…
 
D’autre part, on évincera tout esprit capable d’intégrer les directives formelles à un ordre de compréhension qui les excèdent, les retraduit et en pense les tenants et aboutissants sur un mode autonome et critique. Cette injonction à s’en tenir aux standards et idéologèmes tels qu’ils sont définis par des autorités défendant des intérêts spécifiques (actionnariat, clientèle, réseau d’élite…) et agissant dans un champ restreint nuit à des prises de conscience et à l’élaboration de pratiques en phase avec des enjeux plus larges que ceux des seuls intérêts cumulés des dits pouvoirs et entreprises.

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